Franck La Pinta: L’invité du podcast #9

Publié le 26 Août 2024

« Qui es-tu ? Ta vie, ton œuvre, ton parcours ?

Je suis Franck La Pinta, j’ai fondé la société hyperlien, qui conseille les entreprises sur leurs problématiques RH en appliquant les méthodes du marketing. J’ai développé cette approche du marketing RH, qui est aujourd’hui assez répandue, dès 2007, au sein d’un groupe bancaire international, en m’appuyant sur mes expériences professionnelles, qui ont toutes tourné autour des RH, du marketing et des nouvelles technos.

J’ai également écrit un livre sur le marketing RH, fait de nombreuses interventions en écoles (Master RH et Celsa, ESCP, EDHEC ) sur ce sujet.

J’ai deux types de clients :

  • les entreprises, plutôt grandes entreprises et ETI, que j’aide dans leur stratégie de marque employeur, pour développer leur attractivité,
  • et des conseils RH (organismes de formation, cabinet de recrutement, éditeurs SIRH), que j’aide dans leur marketing digital, pour développer leur visibilité auprès de leurs clients et générer des leads.

Franck La Pinta, le désengagement n’a jamais été aussi grand…

comme les difficultés à recruter importantes…quelle est ta vision de la situation ?

On entend effectivement beaucoup parler de désengagement, de démotivation. Le modèle d’entreprise, de management semble ne plus correspondre aux attentes des collaborateurs. Mais a-t-il un jour correspondu ou c’est uniquement depuis quelques années que l’on écoute la parole des collaborateurs ?

Même s’il ne faut pas nier cette réalité, il faut aussi dire que les situations sont très différentes selon les entreprises, avec du très bon comme du très mauvais. 

Ce sujet mériterait des heures de discussion, mais ce qui est certain, c’est que le rapport au travail , à la hiérarchie, à l’effort, a énormément évolué.

2 points à mon sens sont essentiels : 

On parle beaucoup de sens au travail. Je pense que le travail est devenu un moyen, moins une finalité. Le travail est un moyen de réaliser et de financer ce que l’on veut faire de sa vie. Les collaborateurs ont une relation très contractuelle avec leur employeur. Ils veillent à un contrat équilibré entre travail fourni et rémunération. Cela est particulièrement vrai pour ceux ayant des compétences recherchées sur le marché du travail. Quelle est la proportion de métiers où l’on peut vraiment trouver un sens ? Une caissière, un manutentionnaire, ou un ouvrier peuvent-ils vraiment s’épanouir dans leur travail ?

Et second point, le modèle d’entreprise n’a probablement pas assez évolué pour s’adapter aux nouvelles attentes des collaborateurs. La recherche et les théories en management ne se sont pas beaucoup enrichies ces 50 dernières années. Les start-up ont prétendu révolutionner le modèle d’entreprise avec simplisme et une fausse utopie humaniste. Le modèle managérial, à de rares exceptions près, n’a pas beaucoup changé.

S’agissant du recrutement, ce rapport au travail des candidats s’accompagne d’un déséquilibre démographique qui fait qu’il y a pour de nombreux métiers moins de candidats que d’offres d’emploi. Une autre nécessité pour les entreprises de se remettre en cause.

Alors que faire ?

Sur le plan managérial, trouver le bon équilibre qui permet à l’entreprise de maintenir ses objectifs économiques, de rentabilité, avec une meilleure prise en compte des collaborateurs. On le sait aujourd’hui, de nombreuses études le démontrent : la performance individuelle est corrélée au bien-être des collaborateurs.

Et pour le recrutement, face à cette situation de concurrence entre les entreprises, il faut développer une stratégie pour avoir la préférence des candidats : attirer les candidats, et fidéliser les collaborateurs. C’est travailler sa marque employeur. Mais une marque qui soit authentique, non bâtie sur de la sur-promesse. C’est un point important car c’est une critique qui est souvent faite au marketing RH, (surtout par ceux qui n’y connaissent rien) en l’associant à de la manipulation, du mensonge.

La Marque employeur c’est ton crédo… quels sont les incontournables selon toi ?

Je retiens avant tout le principe de réalité comme un incontournable. L’honnêteté constitue la principale vertu d’une marque employeur. La marque employeur doit refléter fidèlement la réalité de l’entreprise. Si elle ment et ne correspond pas à ce que vivent les collaborateurs, ils la rejetteront. Un mensonge dans cette expérience collaborateur entraînera démotivation et désengagement. Les collaborateurs aux compétences valorisées sur le marché du travail démissionneront. Ils verront le contrat moral comme hypocrite et jugeront l’entreprise peu fiable. À l’externe, les gens détecteront rapidement une sur-promesse et un mensonge. Des collaborateurs quitteront l’entreprise dès la période d’essai, jugeant la promesse non tenue. Cela affectera financièrement l’entreprise. L’impact sur l’image sera également possible. Aujourd’hui, partager ses mésaventures sur les réseaux sociaux ou sites de notation est devenu courant. Cela concerne aussi bien les clients que les collaborateurs ou candidats.

Ce socle de la réalité doit être la règle à toutes les étapes de la construction de la marque employeur et de sa promotion. C’est aussi parce que cette réalité est respectée, que l’entreprise pourra construire une marque employeur qui soit : 

  • pérenne dans le temps car elle doit s’installer dans la durée
  • différenciante par rapport à la concurrence, car elle doit recueillir la préférence
  • déclinable au sein de différentes entités pour un grand groupe, ou déclinable selon les types de postes
  • et les RH l’oublient souvent mais la marque employeur ne peut pas être hors sol par rapport à la stratégie de l’entreprise. Elle doit la servir.

Franck La Pinta, quelle approche proposes-tu à tes clients concrètement ?

Un des piliers essentiels est de comprendre le business de mes clients. Aussi je passe pas mal de temps à les faire parler sur leur stratégie, leurs concurrents, leurs points forts, leurs vision de leur marché. C’est vraiment une étape cruciale pour moi, qui permet d’être pertinent dans les recommandations.

Pour construire sa marque employeur sur un socle de réalité, et alignée avec la stratégie, l’étape de recueil des informations est ici essentielle.

Je vais donc interroger les candidats, les collaborateurs, anciens et nouvellement arrivés, les managers, les équipes RH, les patrons de pôles, … afin de disposer d’une photographie précise de la réalité de l’offre RH. Et cette photo permet ensuite 2 choses : 

  • identifier les points forts, les preuves  sur lesquels je vais bâtir le discours, la promesse RH , le pitch candidat de mon client
  • identifier les points faibles de l’offre RH, qui va servir de feuille de route sur les points à améliorer

Ensuite, ces éléments de discours vont servir de fondations à toutes les prises de parole : site recrutement, offres d’emploi, discours en entretien de recrutement, relations avec les écoles…

On dit qu’avant le onboarding, il y a le pré-boarding, ça signifie quoi pour toi, Franck La Pinta ?

Très simplement, on parle de pré-boarding entre le moment où le candidat signe son contrat (il sera officiellement futur collaborateur) et l’on-boarding, quand il intègre physiquement l’entreprise.

Ces termes ont surtout pour moi une valeur pédagogique. Ils mettent l’accent sur un parcours pour le futur collaborateur. Je dis futur car il n’est plus candidat, mais pas encore totalement collaborateur. C’est aussi une approche inspirée du marketing. Il faut prendre en compte tous les points de contact avec ce futur collaborateur. Cette étape d’intégration, en bon français, fait la différence. Il faut établir des points de contact pour sécuriser le candidat. Il faut continuer à lui donner envie et lui montrer qu’il est désiré et attendu. Cela doit être fait avant qu’il ne mette les pieds dans l’entreprise.

C’est donc une approche qui devient essentielle pour sécuriser un parcours et éviter ce que l’on appelle de ghosting : un candidat peut, même s’il a signé son contrat, rester en veille ou être sollicité par une entreprise dont l’offre sera plus attractive. Il s’agit donc de maintenir le contact jusqu’à son arrivée dans l’entreprise. Autre élément, cette période d’avant l’arrivée peut être mise à profit pour gérer tous les aspects administratifs et réglementaires avant l’arrivée dans l’entreprise.

Ce que je recommande à mes clients, c’est de formaliser ces 2 étapes de pré et on boading dans un planning qui regroupe les tâches et les personnes en charge de ces tâches, y compris les opérationnels, afin que limiter au maximum l’impact sur le business.

On n’entend plus parler des CHO, comme cela se fait-il ?

Ce terme de CHO, ou Feell good manager, vient des start up et de la Silicon Valley. On attribue à Chade-Meng Tan, le titre de 1er CHO de l’histoire !  En effet, il est l’une des premières recrues de Google, qui hérite du titre de Jolly Good Fellow, que l’on pourrait traduire par « super bon camarade ». 

Avec beaucoup de condescendance, certains nouveaux entrepreneurs expliquaient que les entreprises traditionnelles n’avaient rien compris au management. Ils affirmaient savoir comment réinventer le management et développer la motivation. Ils croyaient savoir comment installer une bonne ambiance. Leur postulat était : un collaborateur heureux est un collaborateur performant. En créant un environnement joyeux, l’entreprise pourrait maintenir la motivation et diminuer le turnover. Cela attirerait aussi des talents, même si les start-up ne peuvent toujours les payer au prix du marché.

L’idée de départ était pertinente ?

Oui, elle ne peut être remise en cause : faire en sorte que l’environnement de travail et les conditions de travail soient les plus satisfaisants pour le collaborateur.

On a souvent utilisé le baby-foot pour railler la mode du bonheur au travail. Cette approche faisait une bonne analyse : le bien-être est indispensable. Cependant, les réponses apportées n’étaient pas les bonnes. Ces actions superficielles et ludiques ne pouvaient compenser le socle de la vie d’entreprise. Ce socle repose sur une culture, appuyée par des valeurs, qui se traduisent par des comportements quotidiens. La mode du CHO a aussi été balayée par la Covid. La mise en place du travail hybride a renforcé un nouveau rapport au travail.

Une belle histoire de politique marque employeur réussie ?

Celle qui me vient à l’esprit concerne un cimentier, pour qui j’ai travaillé sur la globalité de la marque employeur, ce qui n’est pas souvent le cas lorsque l’on est un indépendant.

Pendant plus d’un an, en réalisant ces fameux recueil d’informations, j’ai construit les éléments de discours, les ai déclinés sur de nombreux supports, accompagné la formation des équipes recrutement.

C’était vraiment un projet complet, avec un mode de fonctionnement très fluide car il s’agissait d’une ETI de 1500 personnes. Je trouve que c’est une taille d’entreprise idéale car les circuits de décision sont rapides, les lignes managériales courtes, les déploiements des actions et les résultats rapidement visibles.

Franck La Pinta, raconte-nous enfin ta plus belle histoire (vécue) de management ?

Dans une vie précédente, j’ai été responsable de l’offre de formation digitale pour un grand groupe. J’avais une partie de mon équipe à Paris, et une autre en Roumanie. Je garde de très bons souvenirs de cette mission, car il a fallu mettre en place toute l’organisation, les process, le recrutement des équipes, la répartition des missions et des tâches,  il fallait faire travailler ensemble des équipes avec deux cultures différentes, manager des équipes à distance la plupart du temps. J’aime beaucoup partir de la feuille blanche.

Ton mot de la fin ?

Le sujet des RH est passionnant. Cela va faire plus de vingt ans que je malaxe cette matière (j’aime bien l’image) : Les RH sont d’une richesse incroyable : elles sont à la croisée de l’économie, du social, de la philosophie, du culturel, de la psychologie. Et il faut sans cesse se remettre en cause car toutes ces dimensions évoluent très vite, peut être encore plus vite ces dernières années avec l’impact des nouvelles technologies. »

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